Les Municipales approchent. L’occasion de revenir sur une tr�s int�ressante conf�rence conduite par un sp�cialiste de la d�mocratie participative [1]. David CHIOUSSE, charg� de mission � la mairie d’Aubagne, en explore les principes et leur mise en pratique en s’appuyant — ou non — sur l’exemple de sa ville.
Ce premier article brosse le contexte de la (re)naissance du concept de d�mocratie participative et �num�re les conditions n�cessaires (mais pas forc�ment suffisantes) de son d�ploiement.
Comment d�finiriez-vous la d�mocratie participative ?
Avant toute chose, je voudrais pr�ciser que toute exp�rience dans ce domaine doit int�grer l’environnement et l’histoire sp�cifiques de chaque commune. Aucune exp�rience ne peut �tre reproduite in extenso.
Je rappellerai ensuite que la d�mocratie participative n’est ni un concept r�cent ni une id�e neuve. Ainsi, l’article 21.1 de La D�claration Universelle des Droits de l’Homme stipule que « toute personne a le droit de prendre part � la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l’interm�diaire de repr�sentants librement choisis ». On constate que le terme « directement » �voque d�j� le concept de d�mocratie participative.
Deux conceptions de la d�mocratie participative s’affrontent aujourd’hui :
La d�mocratie participative n’est donc pas un concept neuf. Mais quelles sont les conditions de sa r�surgence ?
Les 25 derni�res ann�es ont vu l’�chec du mod�le l�niniste et communiste sovi�tique, la th�orisation de la Fin de l’Histoire [2] qui a profond�ment model� les esprits dans les ann�es 80, la mont�e d’une nouvelle forme du capitalisme, incarn�e par M. THATCHER et R. REAGAN, l’av�nement de l’id�ologie n�o-lib�rale qui affirme qu’il n’y a qu’une mani�re de concevoir les rapports sociaux, de faire de la politique et de s’engager (c’est l’�conomie de march� et la recherche du profit [3]), les nouvelles technologies qui ont pr�cipit� la d�mat�rialisation de l’�conomie et la mondialisation, la mont�e en puissance des institutions internationales telles que le FMI, la banque mondiale et l’OMC [4], la fin de l’Etat providence dans tous les pays d’Europe [5] au profit d’une mondialisation bas�e sur la concurrence [6].
En parall�le et face � cette mondialisation lib�rale, ont �merg� de nouvelles formes de contestation qui �chappaient aux structures classiques : mouvements sociaux contre la casse des retraites en 1995, cr�ation de coordinations, du syndicat SUD, de la FSU, mont�e en puissance des ONG sur la sc�ne internationale, convergence progressive vers un mouvement altermondialiste comme premi�re forme organis�e de la contestation antilib�rale, apparition de pratiques et de th�mes nouveaux (justice �conomique au niveau international, la question de l’autonomie des peuples, de la protection de l’environnement) qu’on a vu enfin apparaitre dans les campagnes pr�sidentielles.
A partir de l� des formes nouvelles d’organisation du champ politique sont apparues : le fonctionnement en r�seau rendu possible par les nouvelles technologies et la d�mocratie participative � travers l’organisation du processus d�lib�ratif (on participe au processus qui cr�e la d�cision). Ces formes �mergent assez vite dans les ann�es 90 (naissance d’ATTAC en juin 98 [7], premier forum social mondial de Porto Alegre en janvier 2001).
Oui mais pourquoi la d�mocratie participative ?
Le premier forum social s’est tenu � Porto Alegre, ville qui, apr�s avoir �t� conquise par le parti des travailleurs, a d�cid� de construire un autre rapport � la d�cision publique et a mis en place la premi�re exp�rience de budget participatif. Cette exp�rience a �t� pr�sent�e pendant le forum social et a fait quasiment consensus parmi les intervenants. Ceci dit, m�me si ce processus est souvent port�e aux nues, il ne faut pas oublier qu’il s’est d�velopp� dans un environnement particulier : la situation institutionnelle au Br�sil n’a rien � voir avec ce que nous pouvons conna�tre ici. Par exemple au Br�sil, le maire et son premier adjoint sont �lus au suffrage universel alors que le conseil municipal est �lu par les quartiers avec un syst�me tr�s complexe de proportionnelle qui a fait qu’il n’a pas eu la majorit� au conseil municipal. Il a donc �t� oblig� de mettre en place le budget participatif, non pas avec un objectif id�ologique d’associer les gens mais pour construire un rapport de force avec l’opposition et donc imposer les d�cisions qui allaient transformer la mani�re de g�rer la ville.
Depuis lors, certaines ONG altermondialistes se chargent de diffuser les exp�riences sur les budgets participatifs. Des textes et des id�es circulent et d�s 1999/2000, quelques villes en France se lancent dans cette exp�rience. C’est de l� qu’est n�e la coupure entre ceux qui consid�rent que la d�mocratie participative doit strictement renforcer la d�mocratie repr�sentative, et ceux qui s’engagent sur un projet de transformation sociale et de d�passement des limites.
Si une exp�rience de d�mocratie participative ne peut �tre transpos�e d’un environnement � l’autre, existe-t-il tout de m�me des pr�-requis qui conditionnent le succ�s ou l’�chec de la d�marche ?
8 pr�-requis permettent de dessiner le cadre d’une d�marche de d�mocratie participative :
Seconde partie : l’exp�rience d’Aubagne.
[1] Soir�e-d�bat du 10 juin 2007 organis�e par le Mouvement Citoyen Gard�en
[2] La vision marxiste de l’Histoire d�crit diff�rentes phases id�ologiques, le capitalisme, le socialisme puis le communisme. Les chantres de la Fin de l’Histoire - particuli�rement Francis FUKUYAMA aux EU et Fran�ois FURET en France - voient dans la fin du bloc sovi�tique et de la guerre froide, la preuve de leur th�orie : le communisme terrass�, ne reste que le capitalisme.
[3] Une id�ologie parfaitement r�sum�e par l’acronyme TINA pour There Is No Alternative.
[4] Le FMI est n� en juillet 1947 � la suite de la conf�rence mon�taire et financi�re des Nations Unies de Bretton Woods. Il est cr�� pour reconstruire l’Europe dans un premier temps, puis pour assurer un d�veloppement « harmonieux » dans le monde. Dans le m�me temps, la Banque Internationale pour la Reconstruction et le D�veloppement (BIRD) �galement appel�e Banque Mondiale voit le jour. Elle fonctionnera en bin�me avec le FMI. L’Organisation Mondiale du Commerce est n�e en 1995 et a pour mission la lib�ralisation du commerce des biens et des services � l’�chelle mondiale, lib�ralisation qui doit �tre assortie de la cr�ation d’une juridiction des conflits commerciaux.
[5] Tout risque de r�volution communiste �tant �cart�, il n’est en effet plus n�cessaire de garantir des droits conquis au 19 et 20�me si�cle comme l’�gal acc�s � l’�ducation, � la sant� ou � la protection sociale.
[6] Et pour �tre en concurrence avec un salari� chinois qui gagne 7,5 euros/semaine, il faut se lever de bonne heure.
[7] La premi�re �vocation d’ATTAC date de l’�ditorial du Monde Diplomatique de d�cembre 1997 d’Ignacio Ramonet.