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Contre la nostalgie de l’Algérie Française : entretien avec Jean-François Gavoury

vendredi 9 février 2007
par Saint-Just
Jean-François Gavoury est le fils du commissaire Gavoury, assassiné par l’OAS en mai 1961. Nous l’avions rencontré lors de la foire aux livres de Toulon en novembre 2006. Nous profitons du cinquantenaire de la bataille d’Alger pour (enfin) publier son entretien.

QUE venez-vous présenter à la fête du livre ?
Je viens ici pour rendre témoignage de l’impudeur des stèles glorifiant les terroristes de l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète) et l’impudence de ceux - élus locaux et membres du Gouvernement - qui ont cautionné l’édification sur le domaine public des ces cénotaphes. Je suis ici présent pour soulever une autre question. Pourquoi demande-t-on aux nouveaux Français, lorsque, solennellement, on leur remet leur décret de naturalisation, d’aimer et respecter cette République lorsque celle-ci permet qu’on honore ses ennemis d’hier et d’aujourd’hui ? A contrario, ces nostalgiques de l’OAS, qui exècrent les institutions et expriment leur joie lorsque meurent celles et ceux qui les ont servies loyalement, ne devraient-ils pas être privés de la nationalité française et déchus de leurs droits civiques ? La réponse officielle est connue : l’article 13 de la loi révisionniste du 23 février 2005 a parachevé le dispositif de réhabilitation des anciens activistes de cette organisation, en prévoyant le versement d’une indemnité pouvant atteindre 30.000 euros — non soumis à l’impôt — à une centaine d’entre eux. Les dossiers déposés par les demandeurs de cette gratification sont en cours d’instruction au sein d’une commission administrative, présidée par un conseiller d’Etat, dans laquelle le Premier ministre a nommé, fin 2005, un ex-responsable zonal de l’OAS, lui-même ayant droit.

Vous parlez en votre nom et en celui d’une association...
Oui. L’Association pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS (ANPROMEVO) a été créée pour tenter de retrouver des familles de victimes ou des victimes elles-mêmes, parce que tout le monde n’est pas mort sous les balles ou les coups de poignards. Il a pu y avoir des blessés ou en tout cas des témoins qui ont subi la pression de l’OAS sur le pays d’Alger et d’ailleurs. C’est une association qui vise à regrouper des personnes qu’un devoir de mémoire pourrait très bien unir dans une recherche de la vérité. La vérité mérite d’être recherchée, tant on peut constater — à Toulon en particulier — que chacun a la sienne.

Construire la vérité à ce moment-là ?
Il faut à la fois construire la mémoire et construire la vérité pour retrouver une somme de témoignages qui montrent et démontrent l’horreur des crimes perpétrés par l’OAS alors même que les assassins sont aujourd’hui érigés en martyrs et en héros contre toute vérité historique.

Que feriez-vous des témoignages ?
Il peut en être fait une collection qui pourrait être présentée sur un site internet. Il est question pour notre association d’éditer un tel site, mais nous sommes gênés par une insuffisance des ressources. Nous avons sollicité le Ministère délégué aux Anciens Combattants pour obtenir une subvention, refusée parce que l’objet de notre association n’est semble-t-il pas en parfaite correspondance avec la politique de subventions de ce ministère.

Quels sont vos contacts avec le Ministère ?
Les contacts avec le Ministère délégué aux Anciens Combattants existent à deux niveaux : l’un au titre de l’association elle-même, l’autre à caractère interpersonnel entre le ministre et le président de l’association que je suis. Je suis, à titre personnel, à la fois orphelin de guerre et pupille de la Nation. Je suis de ce fait ressortissant de l’Office National des Anciens Combattants et Victimes de guerre. J’avais également sollicité le Ministère délégué aux Anciens Combattants pour obtenir une aide compte tenu des dépenses que j’ai engagées pour faire juger des dirigeants de l’ADIMAD et plus particulièrement ceux qui étaient à l’origine du projet de stèle érigée dans le cimetière de Marignane à la gloire des quatre condamnés à mort de l’OAS. Cette demande m’a été refusée. Donc double échec auprès du Ministère délégué aux Anciens Combattants.

Quels sont vos rapports avec les associations concernées par l’Algérie française ?
Mes rapports avec les nostalgiques de l’Algérie française sont des rapports conflictuels. Quant à nos rapports avec d’autres associations qui dénoncent les hommages publics rendus ici ou là à l’OAS, ce sont des rapports fraternels. C’est le cas notamment de la Ligue des Droits de l’Homme (en particulier sa section toulonnaise) et du MRAP, qui nous ont aidés à faire émerger une protestation contre la stèle de Marignane, et dont certains membres adhèrent à l’Anpromevo à titre individuel.

Comment expliqueriez-vous cette résurgence de la « nostalgérie » alors que ceux qui ont vécu l’Algérie française sont de moins en moins nombreux et que leurs filles et leurs fils ont toujours vécu en métropole sans connaître les colonies, ni avoir vraiment abordé le sujet à l’école ?
Il y a effectivement un phénomène de seconde génération. Tout le monde me dit - et je veux bien le croire malgré mes pressentiments - que ceux qui constituent mes adversaires et contre lesquels je porte le fer y compris en justice, sont des septuagénaires qui disparaîtront sans avoir transmis nécessairement leur mémoire à leurs enfants et leurs petits enfants. Je n’en ai toutefois pas encore acquis la conviction. J’étais présent à Marignane le 6 juillet 2005 et il y avait en face de nous 600 manifestants dont la majorité était constituée de septuagénaires, mais aussi des jeunes.

Y a-t-il une collusion entre les élus et cette mémoire ?
Le lobby de la nostalgérie et de l’OAS est extrêmement puissant et exerce une réelle influence sur la vie politique locale, notamment en PACA. Ils instrumentalisent les élus locaux. Je ne peux cependant pas croire que de bonne foi, des élus de l’UMP de la Région puissent accepter, au fond d’eux-mêmes, qu’on puisse rendre hommage à ceux qui ont attenté à la vie du Général de Gaulle par deux fois alors même qu’ils se réclament de valeurs inspirées par le fondateur de la cinquième République.

Un mot sur le monument de Toulon. Qu’est-ce qu’on en fait : on le classe parmi les monuments négationnistes, on le détruit ?
Ce monument a déjà fait l’objet d’une destruction. Il a suscité des réactions plus que négatives, des réactions que je qualifierai de courageuses. Aujourd’hui on érige des monuments, de Théoule sur Mer jusqu’à Perpignan, sans susciter finalement des réactions du même niveau que celles qu’a suscitées le monument toulonnais. Ce monument a été réalisé de façon illégale mais s’est intégré dans un environnement classé, ce qui rend sa destruction administrative impossible. Une autre action paraît envisageable, consistant à aménager ce monument de telle sorte qu’il soit lu et interprété par les jeunes générations comme dédié à l’ensemble des victimes de la guerre d’Algérie. Pour l’instant, c’est un camp qui est honoré, celui de l’OAS, dont la mémoire est perpétuée. Demain peut-être, je crois qu’il est possible de la rendre plus conforme à la réalité historique par une discussion collégiale.

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Au-delà de la lecture de La Bataille de Marignane, celle des deux livres de Jean-Philippe OULD-AOUDIA : L’assassinat de Château-Royal (1992) et Un élu dans la guerre d’Algérie (1999) est pour le moins éclairante pour comprendre la démarche des militants de l’association ANPROMEVO.

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