1. Toulon  Var agglomération Qualité France Média Economie Culture Justice et injustices Cuverville sans frontière Cuverweb pratique
Maison fondée à Toulon en 1995

LETTRE D'INFORMATION |

Ferdinand Bernhard se fait perturber le débat

dimanche 17 décembre 2006
par Olivier Vermert
Le maire de Sanary, charmante cité balnéaire de la côte varoise, tolère les journalistes qui manient correctement la brosse à reluire. Et les autres ? Dans le monde rêvé par le grand Ferdinand, les autres n’existent pas.

POURQUOI Ferdinand Bernhard et Jean-Sébastien Vialatte, maires de Sanary et de Six-fours, se haïssent-il à ce point ? Rien ne les distingue vraiment hormis la taille et l’implantation capillaire. Cela confirme qu’on déteste plus facilement ce que l’on connaît le mieux, le rival dans le miroir, dans un mélange d’autodépréciation et de mégalomanie. Enfin, nous ne sommes pas là pour faire de la psychanalyse de comptoir.

Si Vialatte est inscrit à l’UMP depuis les premiers jours, le franc-tireur Bernhard a rejoint l’UDF de Bayrou en 2005 pour exister politiquement. Une différence de plus ? Non, car ils appartiennent en fait à la même droite à gourmette qui sévit sur les rives de la Méditerranée depuis plusieurs décennies. Une droite sévèrement burnée.
Nos deux compères, qui ont fait carrière dans le dentaire ou le paramédical, sont dynamiques, impétueux, généreux, n’hésitant pas à balancer une petite claque salvatrice ou convoquer les CRS pour empêcher l’installation d’une fête foraine sur le port [1]. Ils rêvaient tous deux d’un casino et sur ce projet Sanary tient la corde. Ils salivent devant l’Assemblée nationale et s’apprêtent à concourir, Vialatte pour conserver son siège et Bernhard pour le lui ravir. Ils n’ont au sein de leur commune qu’une opposition du même bord politique à se mettre sous la dent.

Une droite sévèrement burnée, disions-nous. Parce qu’il reprochait à un conseiller municipal d’opposition (UDF) de ne pas en avoir dans le pantalon, Vialatte s’est vu condamné en septembre dernier. Depuis, les opposants six-fournais se pointent aux séances avec une caméra. La mode s’est étendue à Sanary, où une association "100% sanaryenne" qui prétend "favoriser la communication entre les Sanaryens" s’est lancée dans la critique constructive de l’action municipale ("Sanaryen à voir" est pilotée par l’opposition de droite).

Vialatte et Bernhard n’aiment pas ces nuisibles qui perturbent la sérénité des débats. Tout ça pour qu’après les films circulent sur You tube comme de vulgaires comptes-rendus de tournantes au fond d’une cave. Comment se débarrasser des gêneurs ?

Le 25 septembre dernier, le Conseil municipal de Sanary adoptait une délibération visant à la modification de son règlement intérieur : « les enregistrements des séances du conseil municipal sur des supports audiovisuels sont autorisés. Toutefois une demande écrite d’autorisation devra être transmise au Maire au plus tard 72 heures avant la séance. En cas de réponse positive, les séances pourront être retransmises en direct ou en différé ». Et en cas de réponse négative, les caméras restent à la maison, hé hé.

Pas de bol pour monsieur le maire, sa décision était contraire à la loi. L’opposition porta l’affaire devant le tribunal administratif qui lui donna raison. La droite sévèrement burnée allait-elle plier ?

27 novembre 2006, nouvelle séance de conseil municipal. La salle est comble, les caméras sont de retour dans l’enceinte — au moins trois, plus celle de France 3. Bernhard ouvre la session : « ...Avant de faire l’appel de la séance je rappelle quelques points particuliers à savoir que nous sommes dans l’exercice de la démocratie de représentation. La démocratie de représentation veut — c’est la Constitution française qui le dit et le précise — que chacun d’entre nous assis autour de cette table est seul à pouvoir prendre la parole [sic] ». Premier incident, quelqu’un crie : « arrêtez de filmer ! Débranchez votre caméra s’il vous plaît ! » Les esprits s’échauffent. Du miel pour le maire qui passe à la phase deux du plan : « ...Une petite seconde... On va mettre les choses au clair tout de suite. Il y a quelques jours le tribunal administratif a suspendu une décision du Conseil municipal qui précisait que, pour filmer pendant les séances, il fallait demander l’autorisation au préalable. Monsieur Bovero a eu la bonne idée d’attaquer au Tribunal administratif cette décision qui l’a suspendue. Le TA a précisé en termes tout à fait clairs que le droit de filmer existait mais que le maire — je cite — avait un pouvoir de police et que si le fait de filmer était de nature à troubler les débats, le maire devait user de ses pouvoirs de police. Il est clair que si des personnes souhaitent filmer, et bien il ne faut pas que ça perturbe le public ni les élus. C’est à dire que si des personnes n’ont pas envie d’être filmées et qu’elles le manifestent, je considérerai que c’est de nature à troubler les débats, et donc j’userai de mon pouvoir de police.  »

Instantanément une nouvelle voix s’élève : « je n’ai pas envie d’être filmé ! » La querelle s’installe. Un élu de l’opposition commente avec ses mots à lui : « monsieur le maire, je pense que ce sont des gens qui sont autour qui mettent la merde, là ». Bernhard enchaîne dans une tirade : « Monsieur, vous parlerez quand je vous donnerai la parole. Je précise donc que je considère que le fait de filmer est de nature à troubler les débats, je demande donc aux personnes qui sont en train de filmer d’arrêter de filmer. Premier avertissement. Les personnes continuant de filmer, je fais donc réquisition à monsieur le commissaire de police pour faire arrêter les films, nous appelons donc monsieur le commissaire avec le sourire, tranquillement, la séance est suspendue en attendant, merci ».

Les pandores s’occuperont gentiment des cameras récalcitrantes. Reste encore celle de France 3.

Après avoir postillonné sur les amateurs, un honnête entrepreneur de Sanary s’en prend aux professionnels. La chemise ouverte sur la chaîne en or ne suffisant pas à perturber les journalistes, Bernhard doit s’en mêler : « depuis que je suis maire, et cela fait dix-sept ans, c’est la première fois qu’ils viennent filmer un conseil municipal » [2]. Les intéressés lui rétorquent qu’ils ont déjà réalisé plusieurs reportages sur Sanary, histoire de rappeler que la télé régionale n’a pas été la dernière à lui servir la soupe et que le coq n’a aucune raison de monter sur ses ergots. Ils quittent néanmoins l’assemblée, suivis par les élus de l’opposition. Les débats démocratiques du conseil municipal peuvent enfin commencer.

Avant la séance, Bernhard avait appelé deux fois France 3 pour convaincre le rédac-chef de ne pas envoyer d’équipe de tournage. Et le lendemain, découvrant dans Var matin le compte-rendu peu amène de l’incident (« France 3 indésirable au conseil municipal de Sanary »), il harcèlera la rédaction du journal. La droite sévèrement burnée sait aussi geindre.

Pendant six ans de Front national à Toulon, Cuverville n’a manqué aucun Conseil municipal ou presque, photographiant, croquant les élus, prenant des notes pour retranscrire les débats. Tout au plus nous a-t-on jeté des regards circonspects. Et autant qu’on s’en souvienne, les journalistes professionnels ont toujours pu faire leur boulot correctement. Comme quoi. C’est à cela qu’on mesure la différence entre de fins démocrates et d’obscurs fachos.

Imprimer Imprimer

[1] Sanary, été 2005.

[2] Propos rapportés par Var matin, 28 novembre.

Répondre à cet article



Copyright | 2020 | cuverville.org
Élections 2008"/>
Retour vers la rubrique
Toulon Var agglomération"/>
Dans le même dossier
Entre deux tours
(12/03/2008) (20 messages)
Entretien avec Jean-Louis Masson
(25/02/2008) (4 messages)
La fille est l’avenir de son père
(24/02/2008) (7 messages)
Entretien avec André de Ubeda (Toulon vraiment à gauche)
(22/02/2008) (3 messages)
Kamel Amraoui : le troisième homme ?
(19/02/2008) (6 messages)
Entretien avec Robert Alfonsi
(19/02/2008) (8 messages)
Entretien avec Hubert Falco
(08/02/2008) (7 messages)
Municipales et cantonales
(05/02/2008)
Entretien avec Joël Canapa : des idées sans idéologies ?
(04/02/2008) (2 messages)
Loulou et le doigt d’Hubert
(01/02/2008)
Les brèves
La Farlède : le Parti Radical de Gauche soutient un candidat de droite à l’insu de son plein gré
(29/02/2008) (1 message)
Changement de génération au Pradet
(06/02/2008) (10 messages)
Maison Vitel, hommes de bien de père en fils
(25/01/2008) (7 messages)