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LETTRE D'INFORMATION |

Incendie de la Colle Noire : les obus, c’est comme le vin, �a se bonifie en vieillissant

jeudi 8 septembre 2005
par Gilles Suchey
Retour sur l’incendie du 4 ao�t et pr�s de soixante ans de mise en danger de la vie d’autrui. Qui doit-on bl�mer ?

PREMIER miracle : quand 200 tonnes de munitions explosent sur le fort de la Colle Noire, le 7 ao�t 1949, aucune victime n’est � d�plorer.
Depuis cinq mois, une soci�t� mandat�e par le Minist�re de la Reconstruction de l’Urbanisme aligne consciencieusement toutes sortes d’obus et de grenades sur le terre-plein d’un ouvrage militaire d�j� passablement ab�m� par une premi�re explosion (1946). « Il existe des obus au phosphore et c’est vraisemblablement l’un de ceux-ci qui, sous l’action de la chaleur, aura explos�, communiquant le feu aux munitions voisines » [1]. Le Minist�re, dans sa d�marche, �tait pourtant anim� d’une intention tr�s louable, avec pour objectif de vider les bunkers �rig�s par les Allemands et immerger au large les munitions ainsi r�cup�r�es. « R�p�tons que les chapelets d’obus ayant �clat� dimanche �taient dispos�s � m�me le sol sur le terre-plein du fort en ruine [...] Nous voulons esp�rer avec les populations voisines de la Colle Noire qu’il ne sera plus proc�d� ainsi � l’avenir, que les obus r�cup�r�s seront immerg�s bien avant de constituer de dangereux d�p�ts de deux cents tonnes » [1].
Le mal est fait et on oublie l’immersion : le feu d’artifice a dispers� des munitions toujours intactes autour du fort, la Colle Noire et la colline de la Gavaresse sont pollu�es pour tr�s longtemps.

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En rose : "triangle de pollution extr�me en zone civile (munitions dispers�es lors de l’explosion du fort de la Colle Noire" (sur le plan de gestion des massifs, 1997)

Deuxi�me miracle : aucun accident notable ne se produit au cours des 56 ann�es suivantes, malgr� l’inertie des pouvoirs publics et quelques d�parts d’incendie. Il faut attendre le d�but des ann�es quatre vingt-dix pour que les �diles du Pradet commencent � s’�mouvoir du danger qui affleure sur les flancs bois�s des collines.
A cette �poque, les 152 hectares du domaine de la Colle Noire sont presque tous propri�t� indivise La Garde-Le Pradet. La Garde ne se sent pas vraiment concern�e par le sujet (surtout d’un point de vue financier) car le site est g�ographiquement isol�. Pr�cisons que les massifs s’�tendent au del� du Pradet vers Carqueiranne, mais l�, plus question de for�t communale : les terrains sont priv�s.
En janvier 1990, l’�quipe nouvellement �lue au Pradet (Roland Joffre) sollicite le Minist�re de la D�fense afin d’obtenir une aide pour l’assainissement du domaine. Une longue partie de billard administratif commence entre la ville, la D�fense, l’Int�rieur et l’Office National des For�ts. « Les complications viennent du fait que pour d�polluer une zone, les d�mineurs souhaitent la trouver d�broussaill�e ; mais pour d�broussailler l’endroit, les forestiers veulent qu’il soit pr�alablement d�min� ! » explique Roland Joffre en 2005 [2].

Quatre premiers hectares seront enfin trait�s en mars 1994, pour un total de surface pollu�e estim� � 50 hectares. Et les op�rations se succ�dent au compte goutte. Le Conseil g�n�ral et La R�gion soutiennent l’effort financier de la commune, mais est-ce suffisant ? Roland Joffre : « j’ai toujours consid�r� que le Pradet ne devait pas supporter la charge de la d�pollution. C’est une mission de l’Etat, qui a une connaissance globale du risque. Les forts de la Colle Noire et de la Gavaresse, sur les deux calottes des massifs, appartiennent au Minist�re de la D�fense » [2].
Aussi la mairie change-t-elle son fusil d’�paule au milieu des ann�es quatre vingt-dix en c�dant les massifs au Conservatoire du littoral, avec la b�n�diction de La Garde. Le Pradet n’est plus propri�taire, mais reste toutefois (seul) gestionnaire du domaine.

Int�ressons-nous un instant � Carqueiranne et � la strat�gie de la commune pour pr�server ses massifs. Avant l’entr�e en vigueur de la loi littoral en 1986, le maire n’a rien trouv� de mieux que d’autoriser la construction d’un lotissement grand luxe surplombant la mer au niveau du Bau Rouge, au coeur du massif forestier (sur le troisi�me mamelon du secteur — le seul non pollu� —, la colline de Cap Garonne). Grilles, murs, portail automatique � l’entr�e. « Propri�t� priv�e ». « D�fense d’entr�e ». « Interdit aux pi�tons et � tous v�hicules (sauf r�sidents et services) ». Beaucoup de 4x4 : c’est normal, on est presque � la montagne.

Apr�s la cession au Conservatoire du littoral.
En 1997, le Pradet, le Conservatoire et l’IARE (Institut des am�nagements R�gionaux et de l’Environnement) �tablissent un "plan de gestion du massif de la Colle Noire et de Cap Garonne", recueil de propositions et de recommandations pour la valorisation et la pr�servation du site.
Au chapitre « Risques dus aux explosifs militaires diss�min�s », il est �crit : « les explosions successives du fort militaire de la Colle Noire (1946 et 1949), utilis� apr�s la guerre comme lieu de stockage de munitions et d’explosifs, ont eu pour effet leur dispersion selon un c�ne de direction Nord-Ouest sur tout le haut du versant de la Colle Noire. Dans cette zone pollu�e, comprise approximativement dans le triangle constitu� par la limite communale Le Pradet-Carqueiranne � l’Est, la piste des Lions au Nord-Ouest et le chemin de la Gavaresse au Sud-Ouest, la s�curit� des hommes n’est pas garantie en cas de d�broussaillement, d’op�rations sylvicoles, de br�lage de r�manents ou m�me de feu de for�t. Cette zone est donc tout-�-fait particuli�re puisque la p�n�tration pour les travaux y est interdite, et que le public prend un risque en s’y promenant malgr� les panneaux. La pollution par les explosifs constitue une contrainte majeure. Les sites pollu�s devront �tre g�r�s de mani�re particuli�re  » (mots soulign�s sur le document).

Malgr� ces remarques et avertissements, le bilan reste maigre. Fin 2004, on comptabilise moins de 15 hectares d�pollu�s depuis le d�but de la campagne, 14 ans plus t�t. Concernant le d�broussaillement, les forestiers se contentent souvent des abords des pistes pour la s�curit� des randonneurs et des cyclistes, sans oser s’aventurer plus loin pour �viter toute rencontre explosive.

Nouveau changement attendu. Avec la mise en place de l’agglom�ration Toulon Provence M�diterran�e, Joffre, qui se d�clare « fatigu� de conduire les dossiers », c�derait volontiers la gestion du massif au Pr�sident Falco.

56 ans plus tard, retour du feu d’artifice.
Le 4 ao�t 2005, un feu embrase le domaine. Probl�me : le Ministre de l’Int�rieur Sarkozy a enfil� son bleu de chauffe pour contr�ler tous les canadairs de l’Hexagone, apr�s l’accident qui a co�t� la vie � deux pilotes en Corse (1er ao�t). Le dernier arbre br�lera avant que l’autorisation de d�coller ne soit donn�e.
Le Pr�fet est sur le front, transpire � grosses gouttes et pas uniquement � cause de la chaleur. Il pense � la responsabilit� de l’Etat et aux cons�quences �ventuelles des atermoiements pass�s. Les pompiers peinent en effet � ma�triser le sinistre car les bombes sont toujours l�, quelque part, qui taquinent gentiment les hommes en uniforme.
A bien y r�fl�chir, soyons pragmatiques, les �tats d’�me du pr�fet n’ont pas lieu d’�tre. Voil� un homme sensible, occup� � �vacuer les habitations et attentif � la sant� des soldats du feu. Pourquoi ? Il est toujours tr�s simple et m�diatiquement rentable pour l’Etat de d�cerner, en cas de drame, quelques m�dailles � titre posthume en vantant l’h�ro�sme des sapeurs morts au combat. Beaucoup plus simple et �conomique, finalement, que de proc�der au d�minage en temps utile.

Les pompiers prot�gent prioritairement les habitations. Sous la Colle Noire et la Gavaresse. Cinq ou six camions et dix fois plus de personnels s’arc-boutent aussi autour du lotissement du Bau Rouge, dont les propri�taires appr�cient, une fois n’est pas coutume, les v�hicules des non-r�sidents gar�s juste devant leur portail. Le bouclier sera efficace.
Pour le reste, sans canadair et avec les obus... Pr�fet, repr�sentants de la commune et de l’ONF passeront une nuit blanche � observer la progression des flammes. A noter : les gestionnaires des forts de la Colle Noire et de la Gavaresse, Pr�fet maritime ou autres ambassadeurs du Minist�re de la D�fense, n’ont pas jug� utile de faire le d�placement.
On estime � vingt tonnes la quantit� de munitions ayant saut� ce soir-l�. Pr�s de 170 hectares de cendres mais aucune victime : troisi�me miracle.

A suivre : les �lus prad�tans aimeraient bien n’avoir � s’occuper que du r�am�nagement de la colline de Cap-Garonne. TPM devrait r�cup�rer � court terme la gestion du domaine de la Colle Noire. Et l’Etat appr�ciera sans doute les vertus de l’�cobuage : 170 hectares d�broussaill�s d’un seul coup ! Qu’est-ce qu’on fait ? On d�mine, ou on maintient l’arr�t� pr�fectoral interdisant l’acc�s au massif jusqu’� la prochaine fois ?

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[1] R�publique, anc�tre de Var matin, dans la semaine suivant le son et lumi�re pyrotechnique.

[2] Entretien avec le maire du Pradet, 2 septembre.

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  • Suite et fin 23 juin 2007, par


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