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LETTRE D'INFORMATION |

La prison est une machine � r�cidive

samedi 18 décembre 2004
par areuh

L’Observatoire International des Prisons, avec l’aide de la LDH, du Conseil National des Barreaux, d’Emma�s France et d’autres associations [1], a organis� l’op�ration « Suivez le guide ! » dans 190 prisons � l’occasion de la journ�e internationale des droits de l’Homme (10 d�cembre dernier). Des « d�l�gations citoyennes » �taient charg�es de remettre des exemplaires du Guide du prisonnier [2] aux biblioth�ques des structures carc�rales. Cette action nous donne l’occasion de faire le point sur les six premiers mois de fonctionnement du nouveau centre de d�tention de la Farl�de, en proche banlieue toulonnaise, et d’�voquer le probl�me de la r�cidive.

LE Guide du prisonnier r�pond � 774 questions que peut se poser toute personne concern�e par l’incarc�ration. Par les temps qui courent, o� les prisons n’ont jamais �t� aussi pleines, o� l’on peut �tre �crou� pour stationnement p�destre dans un hall d’immeuble, il est d’utilit� publique. La Direction Nationale de l’Administration P�nitentiaire l’a bien compris en autorisant sa distribution dans toutes les prisons de France. Ce livre est destin� aux d�tenus et � leurs familles mais aussi aux professions judiciaires, aux intervenants en milieu carc�ral et aux citoyens lambda s’interrogeant sur les conditions dans lesquelles s’exerce la privation de libert� [3].

Particularit� toulonnaise.
Comme l’OIP n’a pas contact� le B�tonnier Me Gestat de Garambe, la d�l�gation locale �tait compos�e de trois personnes, membres de l’OIP Toulon, de la LDH et d’Emma�s La Seyne. Elle n’a pu rencontrer les d�tenus travaillant � la biblioth�que, ceux-ci n’ayant pas encore �t� jug�s. Il aurait fallu obtenir l’aval du Parquet et le temps manquait. Re�ue durant une heure par le Directeur du Centre et par le responsable de la biblioth�que, elle leur a remis 8 exemplaires du Guide.
Le biblioth�caire, professionnel, intervient 5 heures par semaine, s’occupe du stock de livres et forme deux d�tenus au logiciel de gestion. Le Centre de La Farl�de semble �tre un mod�le du genre, plus de 14000 ouvrages sont disponibles ; une biblioth�que pour mineurs et une m�diath�que compl�tent le dispositif culturel.
Mais il faut du temps pour installer l’ensemble, et pour l’instant ces lieux ne sont pas ouverts au « public ». Un des d�tenus biblioth�caires circule donc dans les cellules avec un catalogue puis revient apporter les livres demand�s. Notons qu’� St Roch, vieille prison toulonnaise pour le remplacement de laquelle on a construit le centre de la Farl�de, 70% des d�tenus sollicitaient ce service ; il ne sont plus que 40% � La Farl�de, des cours de promenade plus vastes et des activit�s sportives plus vari�es pourraient expliquer cela.

L’ouverture du centre de la Farl�de le 28 juin 2004, pr�cipit�e par l’Administration en raison de l’extr�me urgence � d�sengorger avant l’�t� le petit �tablissement v�tuste de St Roch, devait r�gler pour un temps le taux de surpopulation record de la vieille maison d’arr�t. 6 mois auront suffi aux Juges de la R�publique pour le remplir. D’autres �tablissements p�nitentiaires de la r�gion ont profit� du fait que celui-l� n’�tait pas plein au d�part (350 d�tenus � la maison d’arr�t de St Roch, 600 places au centre de d�tention de La Farl�de) pour y envoyer une partie de leur « surplus ». Un d�tenu sortant nous a signal� qu’on « commence d�j� � rajouter un troisi�me matelas au sol ». Pour une prison o� s’affichait l’objectif d’un d�tenu par cellule, �a la fout mal.

R�cidive ?
Le projet de Sarko Ier sur la r�cidive va-t-il arranger les choses ? Il n’y a qu’� regarder aux Etats Unis d’Am�rique o� un tel syst�me est appliqu� dans le cadre de la tol�rance z�ro : gr�ce aux « sentencing guidelines », la peine se d�duit automatiquement d’un bar�me qui croise le type d’infraction et la r�cidive. Une troisi�me infraction entra�ne une sentence minimale automatique (de 25 ans � la perp�tuit�). Ainsi, en 1995 en Californie, un homme de 27 ans a �t� condamn� � 25 ans de prison pour vol d’une pizza (il avait �t� condamn� deux fois auparavant pour vol et possession de drogue). Quand on prend perpette, on ne r�cidive plus.
Le Garde des Sceaux a r�sist�, la loi ne s’appliquera finalement qu’aux auteurs de crimes sexuels. Finalement ? On sait que le Fichier National Automatis� des Empreintes G�n�tiques avait �t� instaur� � la base pour cette m�me cat�gorie. En mars 2003, le ministre Sarkozy (encore lui [4] !) a fait en sorte que ce pr�l�vement puisse �tre appliqu� � tous les condamn�s. Est-il normal qu’un d�l�gu� syndical des Bouches du Rh�ne se retrouve aujourd’hui inscrit dans le fichier ?
Il est � noter que la d�linquance sexuelle a bon dos, si j’ose dire. C’est l’une des plus m�diatis�es (cat�gorie de crime jug�e la plus abjecte par les masses) mais dont le taux de r�cidive « n’est que » de 1,8%, un pourcentage nettement inf�rieur aux taux de r�cidive des mineurs et autres d�tenus (de 60 � 70%). On l’utilise pour glaner quelques voix aux prochaines �lections et instaurer des lois liberticides qui se verront un jour g�n�ralis�es... Et qui ne r�gleront en rien le probl�me de la r�cidive.

Au Centre P�nitentiaire de La Farl�de, les deux Unit�s de Vie Familiale n’ont pas encore servi. « Le politique n’est pas trop pour », nous avoue un surveillant. « Faudrait pas que la prison devienne un baisodrome ! », disent d’autres. Bref : y a encore du boulot.

D’apr�s la Direction, 30% des d�tenus sont suivis par un psychiatre. Ce qui place honorablement La Farl�de dans la moyenne nationale. Il faudra s’y faire : en France, on remplace les h�pitaux psychiatriques et les centres de soins pour toxicomanes par les prisons.

La Farl�de est en cours d’installation, tout n’est pas encore op�rationnel. Mais certains probl�mes ne sont pas li�s � la jeunesse de la structure. Il manque du personnel, tant au niveau de la p�nitentiaire qu’� celui du service m�dical : nombre insuffisant d’infirmiers (une dizaine qui se r�duit au gr� des cong�s, maladies et formations) et de psychologues. Pour les soins dentaires, une attente de deux mois est constat�e, du fait de l’insuffisance de « temps de dentiste ».
Un autre probl�me est relay� par les familles qui se confient parfois aux membres de l’OIP. Il appara�t que les pr�venus de crimes sexuels subissent des violences de la part des autres d�tenus � tel point qu’ils n’osent plus sortir de leur cellule, pas de promenade, d’infirmerie.... La m�diatisation des affaires qui les concernent les rend ais�ment rep�rables. Une fois jug�s, ils changent de statut, un �tage et une cour de promenade leur sont r�serv�s.

Deux suicides dans le Var en deux mois.
Le suicide en prison embarrasse l’Administration P�nitentiaire qui peine � traiter le probl�me correctement et rechigne � communiquer sur le sujet.
Une tentative de suicide est toujours punie par des jours de cachot ou une condamnation suppl�mentaire. Le 6 d�cembre 2004, un d�tenu a vu sa peine alourdie pour avoir incendi� sa cellule. « Que vous vouliez vous suicider, c’est votre probl�me, mais il y a d’autres moyens. L�, vous avez mis en danger la vie des autres ». Mots prononc�s lors de l’audience par le procureur de la R�publique de Lorient pour justifier les nouvelles poursuites engag�es contre ce d�tenu de 24 ans. Il avait incendi� sa cellule du centre p�nitentiaire de Ploemeur parce qu’il « ne supportait plus la d�tention » et qu’il « voulait en finir avec sa vie » expliqua-t-il au juge. L’incendie s’�tait propag� dans la prison, ce qui avait oblig� les services p�nitentiaires � �vacuer 240 autres d�tenus. Retenant les accusations de mise en danger, le tribunal correctionnel a prononc� une condamnation de six mois d’emprisonnement ferme.

Cela n’a pas emp�ch� un jeune d�tenu de la Farl�de (20 ans), incarc�r� depuis peu, de mettre fin � ses jours le 12 novembre dernier. Il s’�tait automutil� le dimanche 7. Transf�r� � l’h�pital, on l’a ramen� trois jours plus tard, il s’est pendu le lendemain.
Au Centre de D�tention de Draguignan, un premier jeune adulte (18 ans) avait mis fin � ses jours le 10 septembre. Il �tait incarc�r� dans la m�me cellule que son fr�re. Le rapport d’autopsie a r�v�l� une mort par overdose pharmaceutique. Ces deux suicides n’ont pas �t� relay�s par la presse.

Surpopulation.
La dur�e moyenne d’emprisonnement est d’environ 8 mois, elle a doubl� en 25 ans, ce qui prouve que la majorit� des peines est inf�rieure � 12 mois. Rappelons encore une fois qu’il existe des alternatives et que rien n’emp�che d’en imaginer encore d’autres. On incarc�re des conducteurs surpris avec un taux d’alcool�mie sup�rieur � celui tol�r�. Pourquoi ne pas condamner ces personnes � passer leurs week-ends aux services d’urgence de l’h�pital ou dans un centre de r��ducation pour grands accident�s de la route ? Des peines qui auraient certainement plus de sens.

Il y a cinq ans, les d�put�s et s�nateurs �taient unanimes pour r�clamer d’urgence une indispensable r�forme. Malheureusement, on l’a vu avec la campagne s�curitaire de 2002, la prison n’est pas seulement une machine � r�cidive, c’est aussi une machine � bulletins �lectoraux.
Les r�flexions � engager ne peuvent pourtant s’accommoder de gesticulations populistes. La r�forme de la Justice est une affaire trop s�rieuse pour �tre confi�e au garde des Sceaux ou au ministre de l’Int�rieur.

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[1] La Mission Interminist�rielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie (MILDT), la Direction G�n�rale de l’Action Sociale (DGAS), le Conseil r�gional d’Ile de France et la Mairie de Paris.

[2] Editions La D�couverte - Guides. 564 pages, 24 €.

[3] De larges extraits de ce guide sont en ligne sur le site de Ban Public.

[4] Rien � voir avec le sujet : sur le moteur Google lors d’une recherche « Nicolas Sarkozy », on a le choix entre 728000 pages. Avec Nicolas Sarkosi, 1400 pages suppl�mentaires, total = 729400. Pour Jacques Chirac, on n’obtient que 650000 pages. Il squatte aussi le Net.

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