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LETTRE D'INFORMATION |

Huit ans de solitude au Parquet de Toulon

LE DOSSIER ALBERT L�VY (2/2)
lundi 1er mars 2004
par Gilles Suchey

Suite du dossier consacr� � un magistrat jadis en charge de grand banditisme sur l’aire toulonnaise.
O� chercher des r�ponses � des questions que personne ne pose s’av�re d�raisonnable.
O� porter un nom juif n’arrange rien, m�me si ce n’est pas le noeud du probl�me.

IL ne s’agit pas de d�crire ici les faits reproch�s officiellement au substitut L�vy. A-t-il oui ou non viol� le secret professionnel ? Ses juges trancheront.
Notons toutefois que la Chambre d’Accusation de Paris avait annul� en avril 1999 la proc�dure instruite contre lui quelques mois plus t�t. On le soup�onnait alors d’avoir remis � un journaliste des documents confidentiels impliquant des �lus locaux, dont le maire FN de Toulon, dans l’attribution du march� des cantines scolaires de la ville. Malgr� cette annulation et apr�s une nouvelle mise en examen, la juge d’instruction Marie-Paule Moracchini ordonnait en mars 2003 son renvoi devant le tribunal correctionnel.

Patriotes contre "apatride"

Albert L�vy est d�j� en poste � Toulon depuis quatre ans (1991) quand le Front national s’empare de la mairie. C’est s�r : contrairement � certains coll�gues adeptes de d�ners en ville, il ne cherchera jamais � se faire appr�cier de Jean-Marie Le Chevallier.
Enqu�tant sur la mort violente de l’adjoint Poulet-Dachary en ao�t 1995, il d�clare ne vouloir n�gliger aucune piste, provocant ainsi la fureur du Front pour qui le meurtre est forc�ment politique. Plus tard, dans une affaire de discrimination � l’embauche, il requiert contre l’�pouse du maire une peine d’emprisonnement avec sursis assortie d’une amende... Ce n’est pas la meilleure fa�on de se faire des amis du c�t� de l’H�tel de ville.
La presse d’extr�me droite se d�cha�ne, et surtout le journal Pr�sent : dans un �ditorial, Jean Madiran cite le nom "L�vy" une quinzaine de fois en dix lignes, histoire de bien faire comprendre aux lecteurs � quel genre de procureur on a affaire. La rage du FN s’exprimera jusque dans les colonnes du bulletin municipal le Toulonnais, aux frais du contribuable : en 1998, la r�daction estime n�cessaire de commenter la mise en examen du substitut : « [on le soup�onne d’avoir] mont� de toutes pi�ces une campagne de presse au pr�judice de la ville et de son premier magistrat ». Ce ne sont pas exactement les termes de l’instruction, c’est le moins qu’on puisse dire, mais qu’importe. Œil pour œil.

Les d�tracteurs r�actionnaires de L�vy ne sont pas tous inscrits au FN. On les compte aussi dans les rangs de l’APM [1], un syndicat tr�s droitier dont certains membres �margent au tribunal de Toulon. Alain Terrail, avocat g�n�ral pr�s la Cour de cassation et pr�sident d’honneur de l’APM, publie en 1998 une tribune � charge contre Albert L�vy dans le n°10 de la revue interne Enjeu justice. Toujours � propos de sa mise en examen. Elle se conclut sur ces termes : « tant va L�vy au four... Qu’� la fin il se br�le ! » [2] .

On le voit, les origines du substitut lui interdisent un certain type de soutien... Affirm� ou sous-jacent, l’antis�mitisme n’est pourtant pas � la source de ses ennuis. Parlons plut�t d’un outil, d’un levier. Le patronyme "L�vy" permet � ses adversaires les moins philos�mites de justifier son hostilit� � leur endroit, en �vacuant ce qu’on pourrait objectivement leur reprocher. Surtout, il permet � d’autres d�tracteurs plus sournois d’organiser leur campagne de d�stabilisation...
Ainsi, lors de sa mise en examen pour violation du secret de l’instruction, on soumettra le magistrat � une expertise psychologique �tay�e d’�tranges questions : « Quel est votre seuil de tol�rance � l’antis�mitisme ? Comment vivez-vous votre juda�t� ? »

L’importun

En insistant sur ses origines, en jouant sur ses relations conflictuelles avec le FN et en lui inventant une n�vrose parano�aque, on pourra facilement marginaliser le substitut... Et occulter les aspects les plus g�nants de ses travaux. Albert L�vy n’est pourtant pas ce tr�s caricatural « Don Quichotte voulant pourfendre le parti politique dominant, [agissant] par communalisme (?) de croyance et id�ologique » [3] que l’on d�nonce.

S’il s’�tait content� d’emb�ter le FN, le retour de manivelle aurait sans doute �t� moins violent. Mais le magistrat en charge de grand banditisme �pluche d’autres dossiers. Il n’h�site pas � pondre des rapports d�non�ant les ratages des institutions polici�res et judiciaires. Ratages plut�t fr�quents d�s qu’on approche le nom de Yann Piat. « En huit ans, [L�vy] a connu toutes les affaires du Var, dont les plus importantes auraient d�bouch� sur autre chose que de simples r�glements de compte si des ordres opportuns de sa hi�rarchie ou de mauvaises volont�s polici�res n’avaient emp�ch� la poursuite des investigations. L’affaire Piat intervient alors comme le point d’orgue de toutes ces affaires dans lesquelles Albert L�vy, simplement parce qu’il conna�t la situation et tente de faire son travail, joue le r�le d’un trublion dans les soubresauts li�s aux reclassements politico-mafieux qui s’op�rent dans le Var depuis plusieurs ann�es. C’est lui, notamment qui, � plusieurs reprises, a averti sa hi�rarchie judiciaire des menaces pesant sur Yann Piat, apparues notamment lors d’�coutes t�l�phoniques, sans susciter une quelconque r�action de la part de cette derni�re » [4].

Le substitut ne se satisfait ni de la rapidit� avec laquelle sa hi�rarchie blanchit le vice-pr�sident du Conseil g�n�ral (�poque Arreckx), dans l’affaire des violences � r�p�tition contre Yann Piat lors de l’ultime campagne �lectorale de celle-ci [5], ni des conclusions du proc�s des assassins pr�sum�s de la d�put�e. On lui demande d’ailleurs de t�moigner lors de ce proc�s, de la m�me mani�re que l’on convoque certains journalistes contestant la th�se officiellement propos�e... et finalement retenue (des petits malfrats ont abattu la d�put�e sur ordre d’un truand � peine plus gros) : « lors du proc�s des assassins de Yann Piat, le substitut L�vy [a] fait part de ses doutes quant � la volont� de la justice de faire �clater la v�rit� sur ce crime [...]. Il [a] alors �voqu� les relations difficiles qu’il entretenait avec certains magistrats, "dont la s�r�nit� confine � la nonchalance"  » (Le Monde, 9 septembre 98).

Dans un rapport de 1996 adress� au Procureur de Toulon et cit� par Sophie Coignard (La vendetta fran�aise, Albin Michel, 2003), L�vy �voque un gang toulonnais � la t�te duquel s�vissent deux fr�res : « "Les Perletto" r�v�laient savoir l’identit� des assassins de Mme Piat mais souhaitaient s’exprimer exclusivement devant M. Charles Pasqua, ministre de l’Int�rieur. » Selon Sophie Coignard, L�vy n’arr�te pas la r�daction du rapport � ces lignes. Il raconte aussi « comment des interm�diaires ont organis� une rencontre � laquelle assistaient des repr�sentants du minist�re de l’Int�rieur. Les Perletto auraient donn� la bande du "Macama". Ce sont ces membres qui seront condamn�s pour l’assassinat de Yann Piat, malgr� la faiblesse du mobile. » Enfin, le substitut s’interroge : « dans quelles conditions les Perletto ont eu � conna�tre l’identit� des assassins de Mme Piat ? [...] Pourquoi la haute hi�rarchie polici�re ainsi que celle du minist�re de l’Int�rieur se seraient pr�t�es � cette n�gociation ? Quels types de rapports sont susceptibles d’entretenir des malfaiteurs comme "les Perletto" avec ces personnalit�s administratives ou politiques ? »

Un seul substitut en charge de grand banditisme � Toulon et il fallait que ce soit cet emmerdeur. Un emmerdeur qui finalement reste bien impuissant : il se contente d’�crire des rapports d�rangeants.
Toutefois, dans un Palais de Justice id�al, on n’�crirait pas de telles inanit�s.

Si tu veux tuer ton chien...

Comment rendre id�al le Palais de justice toulonnais ?

D’abord, on peut proposer au substitut d’organiser son d�m�nagement. En 1996, « Jean-Charles Marchiani demande au procureur de Toulon d’obtenir la mutation de ce magistrat "dans son propre int�r�t" et parce qu’il "trouble l’ordre public". [...] Le procureur g�n�ral d’Aix en Provence, quelque temps plus tard, rend visite au substitut pour lui proposer une belle promotion � Paris » [6]. Il refuse.

On peut utiliser d’autres m�thodes. Certains coll�gues mettent L�vy en garde de fa�on plus ou moins amicale : il m�ne une vie dangereuse. En janvier 96, alors qu’il se trouve au volant de sa voiture attendant qu’un feu passe au vert, deux hommes � moto simulent un tir � bout portant dans sa direction... Et quelques temps plus tard, le g�niteur des Perletto vient l’assurer de sa protection car, dit-il, « le sang a assez coul� dans le Var ». Une d�licate attention.

Y-aurait-il encore d’autres voies � explorer ?
Pour qui souhaite lib�rer le tribunal des rapports qui f�chent, l’affaire VSD arrive � point nomm�. Alors enfon�ons le clou.
D�bauche des moyens mis en œuvre pour confondre le magistrat. Pressions sur le journaliste concern� pour l’inciter � impliquer Albert L�vy dans la remise d’un document, alors qu’il sera retrouv� chez ce m�me journaliste des centaines de pi�ces judiciaires dont certaines proviennent directement des renseignements g�n�raux ou des services de gendarmerie. Tentative (avort�e) de d�stabilisation "psychiatrique" du substitut : « la dimension psychiatrique donn�e � l’affaire d�s la garde � vue laissait entrevoir le type de solution envisag� : quelqu’un qui voit des fascistes partout � Toulon ne doit-il pas, d’urgence, �tre d�clar� fou ? La contre-expertise que celui-ci demandera � M. Abgrall, expert national agr�� pr�s la Cour de cassation conclut, quant � elle � la parfaite sant� mentale d’Albert L�vy » [4]. Etc.

Albert L�vy est depuis 1999 substitut au Parquet de Lyon et n’�crit donc plus de rapports pour le tribunal de Toulon. Mais la -tr�s longue- proc�dure judiciaire qui l’int�resse attendra mars 2004 pour conna�tre son d�nouement. Ses partisans parlent "d’acharnement".

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Merci � la LDH Toulon.

Soutiens � Albert L�vy :
puce Meeting mercredi 17 mars � 19h, salle Croizat de la Bourse du travail (3 rue du ch�teau d’eau � Paris).
puce Pour les lyonnais, rassemblement � 18h le 17 mars devant le palais de justice de Lyon, rue Servien.
puce Vous pouvez aussi venir � l’audience publique � Paris, les 18 et 19 mars, � la 17�me chambre corectionnelle du Tribunal de grande instance, M° Cit�, au palais de justice de Paris.

[1] Association Professionnelle de la Magistrature.

[2] Des mots dont jailliront le scandale et la condamnation de Terrail. Pour att�nuer le discr�dit jet� sur l’APM, son pr�sident Georges Fenech envisagera m�me sa dissolution. Puis l’eau coulera sous les ponts... En 2004 l’histoire para�t lointaine. Fenech n’est plus pr�sident du syndicat mais d�put� UMP du Rh�ne, et il a vot� les lois Perben. Pour plus d’infos sur l’APM, lire cette note du R�seau Voltaire.

[3] Mots (rapport�s par des journalistes) du procureur adjoint Michel Raffin lors du proc�s concernant les cantines scolaires de Toulon en 2001. Ce proc�s verra la relaxe de Jean-Marie Le Chevallier.

[4] Pierre Jacquin, Justice n°158 - organe du Syndicat de la Magistrature, novembre 1998.

[5] Cet homme, Jo Sercia, est dissident de l’UDF et adversaire de Piat aux l�gislatives de 1993.

[6] In la vendetta fran�aise.

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